Un vieil homme est assis dans une tente, sa jambe valide croisée sous sa cuisse amputée au genou. Devant lui une petite fille pose un plateau sur lequel sont posés une tasse de thé au miel et des galettes brunes. Le vieillard remercie d’un geste, et la petite fille rejoint le groupe d’enfants assis en face du vieil homme. Il hume sa boisson encore fumante, en prend une gorgée, puis l’ancien s’adresse à son jeune auditoire d’une voix douce et usées :
“Aujourd’hui, les enfants, je vais vous raconter l’histoire de notre peuple : le peuple Tùk.”
Une faute impardonnable
Notre histoire prend naissance avec celle de Feng Shù-Hi et Meng Si-Hon, car c’est de là que tout a commencé. Cette histoire prend place au sein du grand empire Hànsao, sur les terres lointaines de l’ouest, par delà les mers, et en des temps anciens.
Feng Shù-Hi était un soldat de l’armée impériale, un samouraï tel qu’il en existe dans les vieilles histoires de l’ouest. Bien que de noble naissance, le rang de sa famille était au plus bas de la noblesse hansàone. Pourtant l’honneur et la loyauté caractérisaient cette famille autant que si elle avait fait partie des branches principales. Et Feng Shù-Hi, aîné en passe de devenir le dirigeant de sa petite maison, en était la fierté.
Héros parmi les soldats, il avait mené sa troupe avec force et volonté dans de grandes batailles. Sous la coupe d’un capitaine sage et fin tacticien, il avait fait preuve de courage et remporté de grandes batailles. Héros parmi les siens, il n’en était pas pour autant plus reconnu par les hauts dirigeants de l’empire.
C’est alors qu’il rencontra Meng Si-Hon, au cours de l’une des festivités de la capitale. Elle était la femme la plus belle qu’il n’ait jamais rencontré, et il en tomba éperdu d’amour. Il lui fit la cour des mois durant, sans jamais savoir qui elle était. Et à son tour, elle tomba sous le charme du samouraï, et finit par lui retourner ses avances.
Mais Meng Si-Hon était la petite-fille de l’empereur, et dans ce pays où la lignée du sang représentait le rang, cela signifiait beaucoup. Leur amour était ainsi impossible et leur relation proscrite par tous, des autorités comme des anciens. L’empereur lui-même les interdit de se voir, mais il était trop tard : Les amants s'étaient mariés en secret. Et lorsque l’empereur apprit que la jeune fille attendait un enfant, sa colère s’abattit sur la famille Shù toute entière.
Le peuple né de l’exil
Poussés à l’exil à la tête de ce qu’il restait de son clan décimé par l’armée impériale, Feng Chù-Hi et son épouse fuirent l’empire. Poursuivis, sans cesse repoussés, ils volèrent des navires et s’enfoncèrent dans un dernier espoir au milieu d’une tempête. C’est après cet incident qu’ils s’échouèrent sur des terres inconnues, qu’ils nommèrent “Tukà Anahen”.
Les années passèrent et le clan Shù errait sur ces terres étranges, voyageant de royaume en royaume à la recherche d’un territoire où s’établir. Ils vivaient alors de chasse, mais aussi et surtout de l’artisanat. Les ouvrages qu’ils confectionnaient, dans ce style particulier importé de leur pays d’origine et jamais vu sur ces terres nouvelles, s’échangeaient en effet contre des objets et victuailles de grande valeur. Les exilés pouvaient ainsi vivre convenablement alors même qu’ils n'appartenaient à aucune nation de ce continent.
Le clan Shù s’était habitué à son mode de vie nomade lorsqu’ils atteignirent les vallées désertiques d’Arwahan. Ils fuyaient alors les guerres incessantes que se faisaient les royaumes du sud, et décidèrent de prendre ce territoire alors inhabité comme le leur. Nombre de royaumes tentèrent de les recruter, de faire d’eux des soldats de leur pays ou, pire, des esclaves. Aucun n’y parvint, les héritiers de la volonté de Feng Shù-Hi ne se laissaient pas faire.
Bien vite la combativité des “nomades Tùka”, comme on les appelait, fit le tour des royaumes voisins. Leur résistance face aux royaumes oppresseurs devint telle que d’autres peuples demandèrent à se joindre à eux. Ils étaient des esclaves échappés, des asservis en fuite, des survivants de royaumes en ruines, ou encore des vagabonds devenus parias au sein de leur propre pays. Ainsi une alliance fut formée pour faire face à d’anciens royaumes, puis une nation fut créée, .
La conquête expansive
Le Khàn Laofan, septième Khàn de notre peuple, avait pour ambition de répandre la paix en unissant toutes les terres sous une même patrie. Il avait alors décidé d’unifier tous les peuples au sien, et entreprit d’envahir les autres royaumes pour qu’ils cessent de se battre entre eux. C’est ainsi qu’avait commencé la longue campagne d'expansion tùk qui a duré deux générations.
Le peuple Tûk, fort de ses puissants guerriers et des nombreux clans qui le composaient, parvint rapidement à conquérir les royaumes les plus proches. Batailles après batailles leur territoire s’étendit au nord jusqu’au désert gelé puis à l’ouest et au sud jusqu’aux grandes eaux de sel. Leur territoire grandissait et avec lui son armée, renforcée des soldats issus des royaumes absorbés.
Les armées tùks marchèrent ensuite vers l’est, avançant toujours plus vers des territoires nouveaux, s’éloignant de plus en plus de sa capitale. De véritables obstacles commencèrent à se dresser, de douloureuses défaites commencèrent à se faire sentir, et de gênantes questions commencèrent à se poser. Un peuple redoutable fut notamment rencontré, au nord. Ils paraissaient sauvages et pitoyable, pourtant ils étaient parvenu à repousser les assauts de l’armée tùk. De plus, au sud de Nin-kuàn, la traversée des grands fleuves se faisait difficile à cause d'un climat difficile et d'une topographie désavantageuse. L’expansion était ralentie.
Un temps de paix
Les conquêtes tùks prirent fin à la mort du septième khàn après que le khàn Chao, dit le Sage d’opale, ait pris sa succession. Ses bienfaits furent nombreux : Il négocia la paix avec les peuples de l’Est, allant jusqu'à marier sa nièce au dirigeant de l’un des royaumes ennemis pour apaiser leur rancoeur. Il ouvrit le commerce avec le peuple du nord, ce qui bien plus tard mènera aux alliances que nous connaissons maintenant. Il réforma aussi nos lois, permettant aux clans d’être égaux au sein du peuple Tùk. Il n’y a nulle doute que sa sagesse guide encore, de nos jours, les enseignements que nous prodiguent les anciens.
La paix apportée par le khàn Chao a perdurée après sa mort, et nous en bénéficions encore de nos jours. Oh, certes, il y a eu des conflits et des batailles depuis. Mais rien qui n’ait véritablement mis en danger notre peuple. Car nous sommes unis, et ensemble nous sommes plus forts ! Tels sont les enseignements transmis par notre histoire, mes chers enfants. Alors retenez-les pour à votre tour les transmettre à vos enfants futurs, ainsi notre peuple perdurera.